On peut définir la servitude de tour d’échelle comme le droit dont on dispose de passer sur la propriété de son voisin lorsque c’est nécessaire à la réalisation de travaux sur l’immeuble dont on est propriétaire.
Elle n’est mentionnée nulle part dans le code civil : il s’agit d’une création de la jurisprudence.
Dès le 15 avril 1982, la Cour de cassation a considéré que refuser sans motif la demande du voisin caractérise une faute faisant dégénérer en abus le droit de se défendre en Justice (Civ 3, 15 avril 1982, RG n°80-17.108).
Il faut en déduire que, si on dispose d’un motif légitime, on peut s’opposer à la servitude de tour d’échelle exigée par le voisin.
Parmi les motifs légitimes figure la défense du droit de propriété. Si les travaux projetés par le voisin vont conduire à un empiètement (exemple : un ravalement d’une dizaine de centimètres d’épaisseur), il est alors légitime de s’opposer à la demande du voisin :
« Au regard des pièces versées aux débats, les consorts Y A [NDLR : défendeurs puis intimés] peuvent opposer aux époux B [NDLR : demandeurs puis appelants] un risque d’empiétement sur leurs fonds, dans le cadre des travaux envisagés, de plusieurs centimètres et donc une atteinte à leur droit de propriété ; de cette circonstance se déduit qu’ils opposent une contestation sérieuse au droit de tour d’échelle revendiqué ou que ce refus ne caractérise pas un trouble manifestement illicite.
L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en toutes ses dispositions, en ce compris le sort des dépens et frais de première instance exactement réglé par le premier juge.
Les appelants seront condamnés aux dépens d’appel et devront indemniser les intimés de leurs frais non répétibles exposés à hauteur d’appel » (CA PARIS, Pôle 1 chambre 2, 21 octobre 2021, RG n°21/01996).
Le Juge des référés de NANTERRE, lui-aussi, veille au strict et constant respect du droit de propriété en rejetant les demandes de servitude de tour d’échelle qui ne permettent pas de garantir – avec l’évidence requise en référé – l’absence d’empiètement lié aux travaux projetés :
« En conséquence, faute pour les époux X de justifier des modalités exactes de réalisation des travaux de ravalement de nature à garantir une absence d’empiétement sur la propriété des époux Y, il ne peut être constaté de trouble manifestement illicite dans le refus conditionnel des époux Y à autoriser l’accès à leur propriété. Dès lors, il y a lieu de dire n’y avoir lieu à référé sur toutes les demandes des époux X. » (Tribunal de grande instance de Nanterre, Juge des référés, 6 février 2017, n° 16/02960).
Maître Antoine CHRISTIN a récemment obtenu une décision en ce sens.
Dans ce dossier, une copropriété venait de voter la réalisation d’une ITE (isolation thermique par l’extérieur). Le problème est simple : l’immeuble étant édifié en limite séparative, tous travaux d’isolation par l’extérieur aurait empiété sur le terrain de la cliente de Maître Antoine CHRISTIN.
La copropriété a attaqué afin d’obtenir la servitude de tour d’échelle (l’autorisation de passer par le terrain de la cliente de Maître Antoine CHRISTIN pour réaliser ses travaux).
Maître Antoine CHRISTIN a opposé que le refus d’autoriser les travaux était on ne peut plus légitime (n’était en tout cas pas constitutif d’une faute).
Le 30 mars 2023, le Président du Tribunal Judiciaire de NANTERRE – statuant en référé – lui a donné raison et sa motivation mérite citation :
« le refus de Madame X d’autoriser l’accès à sa propriété pour la réalisation des travaux de ravalement de pignon envisagés en présence d’un risque d’empiètement ne constitue pas un abus de droit, et il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes visant la mise en place d’une autorisation de tour d’échelle sous astreinte. »
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